Une étude assez récente prouve que lorsqu’un enfant atteint l’âge de 13 ans (âge minimal pour s’inscrire sur un réseau social), il est déjà apparu en moyenne sur 1300 publications.
Il faudrait que je compte, mais je ne suis pas certain que ma vilaine caboche soit apparue autant de fois en 10 ans de Facebook malgré des actions bénévoles et un boulot qui m’ont parfois mis sur le devant de la scène.
Et vous ?
En dehors de photos volontairement prises pour être montrées, il semble que nous, adultes, soyons relativement vigilent à ne pas apparaître sur les photos prises (parfois à notre insu) en vue d’être publiées sur un réseau social. Par contre quand il s’agit des enfants, nous sommes beaucoup moins regardants. Surtout quand ce sont les enfants des autres.
Nous avons ainsi créé une génération d’humains numériques. Ça tombe bien, les développeurs d’IA en raffolent. Des milliards de photos de et vidéos de nos enfants en train de grimper dans un arbre, d’assister à un spectacle rigolo, de faire des bulles de savon, d’ouvrir un cadeau de Noël, de tester le nouveau filtre rigolo d’une application de réalité augmentée, de s’amuser à se claquer le torse contre les vagues à la mer, de jouer à cache-cache… Ils sont tellement mignons.
Nous ne parvenons pas encore à nous questionner sur la pertinence de photographier tous les instants de la vie pour encombrer nos disques durs de photos que nous ne regarderons jamais. Ce serait pourtant une belle entrée en matière, surtout lorsque l’on effectue des sauvegardes « cloud » des dites photos dont on perd la propriété dès lors qu’elles sont envoyées sur un serveur en Amérique.
Mais publier, partager, montrer, exhiber ces photos censées représenter notre vie idéalisée comme le font les influenceurs dont les enfants passent le reste de leur vie en psychiatrie, ça revient aussi à voler l’enfance de nos enfants.
Ces souvenirs ne leur appartiennent plus, ils n’ont plus rien à cacher ni à raconter puisque la Terre entière sait ce qu’ils ont fait pendant leurs vacances. Des inconnus savent quel jour et à quelle heure précise ils ont fait leur premier pas. Et cerise sur le gâteau, toujours en embuscade, les réseaux pédophiles sont au taquet pour récupérer des photos d’enfants dès lors qu’elles laissent apparaître un bout de peau dénudée. Une immense majorité de photos saisies chez des pédophiles proviennent des réseaux sociaux… et ont été initialement postées par les parents eux-mêmes.
Moralité : si vous n’êtes pas encore prêts pour fermer vos comptes, commencez par arrêter de mettre des photos d’enfants dessus. Ils n’ont rien demandé et ils ne sont peut-être pas d’accord. Ils n’ont en tout cas pas la maturité pour en comprendre ce que cela engendre. Or en tant qu’adultes, nous devons les protéger des dangers qu’ils ne sont pas en capacité d’appréhender.
Qu’on soit enfant ou adulte, afficher sa tête sur Facebook, Instagram et ailleurs est dangereux parce que :
- c’est public (alors que vous êtes pudique)
- n’importe qui peut enregistrer (et repartager avec des inconnus dont on ne connaît pas les motivations)
- ça alimente votre profil numérique (permettant un ciblage plus fin de vos habitudes, goûts, humeurs, rituels, opinions…)
- vous le regretterez un jour
Si besoin de vous en convaincre, rappelez-vous du célèbre « Angry German Kid » (vidéo sur Youtube) qui a passé le reste de son adolescence à se faire harceler. Il avoue avoir pété les plombs et même fait de la prison après avoir eu des réactions extrêmes pour qu’on arrête de l’embêter. Devenu adulte, il a tout fait pour changer d’apparence mais ne parvient pas à rester anonyme bien longtemps : il est tout le temps reconnu. A la base, c’était juste une mise en scène humoristique (parmi d’autres) qu’il avait réalisée avec le caméscope qui lui avait offert son papa pour ses 13 ans…
Pour aller plus loin : un article qui aborde la question des enfants qui reprochent à leurs parents d’avoir étalé leur vie sur internet : cliquez ici